Vous traversez ce hall où tout le monde va et vient. Les cris aigus de votre petit suscitent des regards intrigués et agacés. Vous ne savez plus où vous mettre. Poussant la poussette, sans mot dire, vous aimeriez être cette petite souris qu’on ne remarque pas. Même vos amies, non loin de là, ont un regard surpris et vous sentez bien que tout ceci n’est pas « normal » et que ce n’est pas seulement cette crise des deux ans.
Quand je suis rentrée dans cette salle de consultation, dès que j’ai croisé le regard de la pédopsychiatre et que je l’ai vue sourire à Samuel, je me suis sentie comprise. J’ai vu le regard bienveillant d’un médecin spécialisé. J’allais enfin, avoir des mots sur mes inquiétudes et mes angoisses de maman concernant ce diagnostic qui est tombé.
DES TRAITS AUTISTIQUES À LA SUSPICION TSA
J’entends : « Il a des traits autistiques. »
Mais qu’est-ce que cela signifie dans le cas précis de Samuel ?
Samuel ne montre pas du doigt un objet pour attirer l’attention (pas de pointage « protodéclaratif ») ; il n’y a pas, par conséquent, « d’attention conjointe », avec ce retour du regard vers la personne à qui l’on montre un objet.
Il ne regarde pas dans les yeux ; son regard est fuyant.
Au quotidien, on peut décrire des « centres d’intérêt restreints et répétitifs », en l’occurrence, faire rouler ses voitures silencieusement pendant un certain temps et utiliser les crayons de couleur, comme des voitures en les faisant glisser de gauche à droite, régulièrement, au lieu de s’en servir pour dessiner. J’avais pourtant entendu parler d’autisme dans l’actualité, mais mon petit est d’une nature tellement souriante et c’est bien le premier à aller vers les autres, très loin d’être timide ou prostré. De quoi s’agissait-il donc, réellement ?
Une suspicion TSA !
On entend par TSA : Troubles du Spectre de l’Autisme, ce qui signifie qu’il y a autant de profils différents que de signes cliniques variant en intensité d’un individu à un autre. Ainsi, les trois points énumérés ci-dessus ne sont qu’un profil type faisant penser à un profil autistique. « Rien n’est sûr pour le moment, c’est une suspicion », me dit alors la pédopsychiatre, en face de moi.
LÀ, ÇA A ÉTÉ UN CHOC
Tout a commencé lors de la visite de routine chez notre pédiatre, visite prévue par l’Assurance Maladie, dans la deuxième année de l’enfant. Notre amie pédiatre, qui avait suivi notre petit Samuel depuis sa sortie de la maternité, a été surprise de constater le comportement colérique de Samuel. Sa forte colère (intolérance à la frustration) lors de l’examen, associée à une fuite systématique de son regard tout au long de la consultation, a permis de suspecter, dès cet instant, une forme d’autisme. Pour être honnête avec vous, quand j’ai entendu « son comportement m’inquiète » et le mot « autisme », là, ça a été un choc !
Je m’étais imaginée, l’espace d’un instant, une école spécialisée, que rien ne serait plus jamais normal, que tous mes projets personnels et professionnels allaient tomber à l’eau et que je devrais me dévouer, désormais, corps et âme à mon enfant, et que tout serait compliqué dans ma vie, moi qui avais eu un « bébé surpris », pourtant tant aimé dès que je l’ai serré sur mon cœur pour la première fois ! Je me sentais submergée par des émotions fortes et diverses et en même temps résignée à mon devoir de maman de donner encore et toujours le meilleur pour lui.
LE TEMPS D’ACCEPTATION
Modulant ses propos après ses premières observations, notre pédiatre nous a conseillé de prendre le temps de voir comment les choses évoluaient pour Samuel sur l’espace de quelques mois. Il semblait préférable de consulter, dans un premier temps, une psychologue, avant d’entamer un suivi plus spécialisé.
C’est ce que nous avons fait en consultant une psychologue des environs, qui a trouvé notre petit très intelligent et très réactif aux conversations d’adulte, même s’il ne pouvait pas encore s’exprimer intelligiblement. De retour chez notre pédiatre, nous avons rempli la grille C.H.A.T (Checklist for Autism in Toddlers), questionnaire gratuit sur Internet, pour avoir une confirmation de l’orientation autistique de Samuel. De plus, une première visite chez l’ORL semblait importante pour écarter tout risque de surdité chez Samuel, en raison de ses otites à répétition. Nous avons pu vérifier, grâce au courrier rédigé pour cette consultation, qu’il n’y avait aucune surdité expliquant « un retard de langage » et une absence de « mots significatifs ». La suspicion d’un « trouble envahissant du développement » (DSM-IV) était, pour la première fois, notifiée.
ERRANCE DANS LE PARCOURS DIAGNOSTIC
Les colères de notre petit se sont vraiment intensifiées et une agressivité dans la colère a été constatée (Samuel tapait et griffait), ce qui nous a poussées à consulter notre médecin traitant, pour avoir un second avis, car nous avions, entre-temps, déménagé dans une ville plus éloignée de notre pédiatre. Le constat de notre médecin a été le même : une fuite du regard chez Samuel, associée à sa forte colère, au cabinet. Nous avons, à ce moment-là, entendu « suspicion TSA », pour la première fois. Sans tarder, notre docteur nous a orientés vers le service de pédopsychiatrie le plus proche pour demander une consultation rapide, accompagnée d’un courrier explicatif. De là, tout s’est enchaîné dans notre parcours de vie.
Les tests spécifiques, supervisés par le CRA de notre région, ont été réalisés pour mon petit garçon, afin d’établir une évaluation de diagnostic pour ainsi, confirmer ou infirmer la « suspicion TSA » de notre pédopsychiatre, qui était habilitée à poser le diagnostic. Le compte-rendu nous a finalement été, transmis par écrit, et sa conclusion était plutôt surprenante.
Le diagnostic n’était pas fermé à l’issue des tests : « Ces résultats ne sont pour le moment que de fortes suspicions ». Même si Samuel présente des traits autistiques avérés (des « difficultés de communication sociale », des « particularités de comportement » et des « particularités sensorielles » et enfin « plusieurs comportements restreints et stéréotypés »), on ne pouvait pas affirmer, il y a moins de trois ans, à 100 % qu’il soit autiste !
ÉCRAN ET AUTISME : COMPRENDRE LES DIFFÉRENCES
Pourquoi une telle conclusion de diagnostic ? Parce qu’un retard de développement peut être constaté en cas de surexposition aux écrans avant l’âge de trois ans, donnant lieu à des comportements qui peuvent être assimilés facilement au TSA. On le sait ; on naît autiste, mais une mise en garde dans le cadre d’une campagne d’information nationale avait vu le jour et nous étions en plein cœur du débat, malgré nous.
Comme le précise le compte-rendu de diagnostic, ce sont des événements familiaux malheureux (ma mère avait l’Alzheimer et nous étions des aidants, mon mari et moi, au maximum de nos possibilités, car je suis fille unique) qui nous ont conduit, sans nous rendre compte à proposer bien trop souvent et bien trop tôt, un écran à Samuel (tablette, téléphone, TV). Bien sûr, cette mention nous a été transmise sans jugement et sans culpabilisation, auprès de professionnels de santé vraiment bienveillants.
Bien sûr, même si la « cotation » des tests (ces scores précis), comme nous l’a exprimé la pédopsychiatre, penchait, à ce moment-là, du côté de l’autisme, « plusieurs comportements restreints et stéréotypés, qui ne semblaient pas dus au simple fait des écrans » persistaient.
RÉORGANISATION FAMILIALE ET PARCOURS DE SOINS
La marge de progrès rapide de Samuel n’en était pas moins surprenante, alors que nous avons entendu dire qu’un enfant avec autisme avait généralement beaucoup plus de difficultés pour améliorer la qualité des relations et d’investir les relations nouvelles, même si le suivi thérapeutique est constant. Quoiqu’il en soit, nous avons bien la sensation de nous trouver face au géant de l’autisme dans les comportements inappropriés et nous ne lâchons pas notre parentalité complexe, même si nous avons frôlé le burn-out parental, à plusieurs reprises.
Une clé pour trouver une stratégie éducative qui fonctionne et qui nous aide à reprendre confiance en nous en tant que maman est celle de la formation du parent aidant. J’ai décidé de fermer ma première autoentreprise pendant un an pour suivre une série de formation de grande qualité.
Je tiens à saluer le soutien de tous les professionnels qui nous soutiennent également jour après jour. Samuel a une éducatrice spécialisée très investie qui est d’un grand soutien parental pour moi.
DANS LA BONNE VOIE : ÉVOLUTION DU PARCOURS DE SOINS
Nous savons maintenant que les écrans ne sont pas la cause de la présence, à l’âge six ans, de traits autistiques, surtout que nous avions pris les mesures correctives qui s’imposaient pour limiter les écrans. Les comportements marqués constatés à deux ans, en lien avec les écrans, auraient été de l’ordre d’une réaction vive face à une surstimulation en raison de son profil avec précocité intellectuelle.
Nous comprenons que nous touchons à la sphère du neurodéveloppement et que rien n’est simple pour les parents que nous sommes, pour en comprendre les enjeux et la complexité. La passation du questionnaire Vineland (pour mesurer le degré d’autonomie) avec la psychologue coordinatrice du SESSAD, qui suit toujours notre enfant, confirme la présence de traits autistiques, notamment dans le cadre de l’interaction sociale avec ses pairs, mais aussi dans le domaine de la psychomotricité.
Or, pas plus tard que la semaine dernière, l’entretien avec le pédopsychiatre, responsable de l’Unité de soin thérapeutique spécialisée dans le TSA (où Samuel est accueilli une fois par semaine), a mis en lumière le profil anxieux de notre petit, avec la présence d’angoisses majeures, qui ne seraient pas essentiellement de l’ordre de la problématique autistique, mais plutôt d’enjeux émotionnels.
La question n’est donc plus de se polariser sur la dyade autistique (DSM-V), à ce jour, mais sur le comment accompagner au mieux, ce que nous appelons si souvent, un handicap « invisible », mais pourtant bien réel.
Quoiqu’il en soit, armons-nous tous de courage pour donner le meilleur à nos enfants et émerveillons-nous à chaque instant de leurs incroyables progrès ! Ce sont nos trésors et nous les chérissons !
Gaëlle, maman du petit Samuel de six ans
Ancienne adhérente du Café Autisme,
Auteure de guides pratiques et de livres Jeunesse,
Toute la collection de ses livres, actuellement sur le lien de la page de Gaël
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