À l’annonce du diagnostic, je n’ai pas immédiatement compris que nous aurions un problème avec mon mari, un autre à gérer en plus du handicap de notre enfant et de toute la mise en place à faire pour l’aider.
Nous avions toujours été un couple soudé, uni, que ni les soucis de la vie ni le quotidien ni personne n’avaient réussi à briser.
Si au départ je n’ai pas vu arriver la tempête, c’est parce que c’est mon mari qui m’avait mis sur la voie de l’autisme pour notre fils. Mais plus le temps passait, plus il était évident que lui et moi ne verrions pas les choses du tout de la même façon.
De mon côté, j’ai foncé tête baissée, sans me poser de questions. Je voulais tout faire pour mon enfant et je voulais le faire le plus rapidement possible. Il a eu un diagnostic tardif et pour moi il fallait réagir vite. J’ai enchaîné les rendez-vous, les suivis, les lectures sur le sujet, les formations, les informations, les échanges avec les parents, et pendant ce temps mon mari s’enfermait dans une sorte de bulle. Je ne me suis jamais sentie aussi seule qu’à cette période.
Plus le temps passait et plus j’arrivais à gérer les crises de mon enfant, les imprévus, les plannings, l’école, les suivis… j’étais devenu une Wonder Woman qui s’adaptait à tous tout le temps. Mais j’étais aussi une maman inquiète, fatiguée et stressée. Toujours obligée de mener des combats. Ces combats que je n’avais pas imaginés non plus : le harcèlement scolaire au point que mon fils a pensé à se suicider. De longs mois à se battre seule qui m’ont paru interminables.
J’étais toujours obligée de me suradapter à mes enfants et à mon mari. Faire en sorte que tout roule, m’assurer que tout le monde allait bien, qu’ils étaient tous dans un bon esprit positif pour éviter les accrochages, les disputes et les crises de chacun. J’ai trouvé ça très violent… Qui s’est soucié de savoir comment j’allais moi ?
Heureusement, la COVID et les différents confinements m’ont permis de ne pas travailler en plus de tout ça puisque travaillant aux É.-U. la fermeture des frontières a fait que mon activité était suspendue. Oui, une épidémie mondiale atroce m’a sans doute sauvé du burnout…
Je me suis rapidement senti seule, à devoir constamment temporiser les choses entre mon fils et son papa qui lui n’arrivait tout simplement plus à le comprendre ni à le gérer, ni même le supporter.
Je découvrais mon mari sous un angle que je n’aimais pas du tout et qui m’était insupportable.
Je n’arrivais plus à entendre les phrases accusant mon fils autiste de faire exprès quand il avait une rigidité de comportement, ou qu’il lui dise « c’est comme ça c’est pas autrement » ou quand il faisait une crise lui dire qu’il devait se calmer, etc. Je me mettais à la place de mon fils et je devenais furieuse après mon mari. Comment pouvait-il être aussi borné alors que je passais des heures à lui expliquer le fonctionnement de notre fils... Gérer mon mari m’épuisait autant que de gérer mon fils et ses particularités.
Comment cet homme en qui j’avais toute confiance et que j’aimais par-dessus tout pouvait-il ne pas réussir à gérer notre enfant et à se détacher de lui de cette façon ? C’est un papa fabuleux qui s’était levé la nuit pour donner les biberons, qui avait changé les couches, qui avait subi aussi avec émotion la première rentrée de son fils, ses premiers mots, ses premiers pas… il avait toujours était d’un grand soutien et très présent. Mais là, j’avais l’impression d’être dans un véritable cauchemar.
Je voyais autour de moi de plus en plus de parents d’enfants handicapés qui étaient séparés ou en instance de séparation. Je lisais lamentablement les études scientifiques sur Internet qui expliquait que 80 % des couples de parents d’enfants handicapés se séparent et je ne voyais plus d’issues pour notre couple à nous. J’imaginais sans doute de cette manière expliquer le pourquoi du comment. Comme pour dire que oui la situation était finalement normale puisque 80 % des couples se séparaient, c’était forcément comme ça que cela devait se finir et c’était trop bête.
Au fond de moi, je savais qu’il y avait encore beaucoup d’amour. Mais cet amour s’estompait peu à peu face à l’incompréhension et au manque de communication quotidien.
J’ai toujours adoré mon mari, mais j’avais à ce moment-là en face de moi un homme que je ne connaissais pas et que je n’aimais pas. Je me sentais abandonnée.
Puis il s’énervait après notre fils, plus il s’enfermait, et plus je le détestais.
Je savais que chacun acceptait les choses à sa manière et j’étais très certainement devenue intolérante sur le faite qu’il n’accepte pas les choses comme moi. J’avais pris le train en marche à l’annonce du diagnostic et j’avais cette sensation que j’avais mille trains d’avance et que mon mari était resté à la gare de départ très loin derrière.
Il m’arrivait de lui envoyer des articles sur l’autisme que je lisais, des passages de livres, je lui racontais mes derniers échanges avec d’autres parents ou les professionnels. Mais rien n’y a fait. J’ai abandonné.
J’étais très surprise et déçue de constater qu’il n’y a rien véritablement pour les couples et les familles, pour faire face à ce tsunami. Pas de réel soutien à l’annonce du diagnostic, on ne nous oriente pas vers une aide quelconque (asso, guidant parental, groupe de parole…) On prend connaissance de ces choses-là petit à petit.
Du coup, lors de la création de café autisme c’était un point capital pour nous de pouvoir aider et rassurer les parents, être présentes pour les fratries. Les écouter et les guider pour qu’ils puissent se concentrer sur ces changements de vie, souffler et se dire que finalement ce sont des étapes normales qui bien que compliquées s’apaisent aussi bien souvent.
Aujourd’hui, les choses s’améliorent petit à petit. Je pense avoir fait ma valise une bonne dizaine de fois et chaque fois je me suis dégonflée. Jusqu’au jour où vraiment je partais… Les choses vont doucement, on réapprend à se faire confiance. Cela reste parfois compliqué, bien entendu, mais on fait de notre mieux. On essaye de se comprendre. Mon mari fait de son mieux pour écouter mes recommandations et je fais de mon mieux pour être patiente et lui laisser sa place dans le fonctionnement et les mises en place quotidiennes. Il y a encore des choses qui me mettent hors de moi, mais j’essaye de lâcher prise.
Certainement que de son côté il vous raconterait tout cela avec ses mots et sa manière à lui d’avoir vécu tout ça. Je suis loin d’être parfaite et peux être que je n’ai pas été là pour lui, moi non plus…
Je m’entoure aussi de personnes bienveillantes qui ont réussi à surmonter tout ça et qui sont restées ensemble malgré le handicap de leur enfant.
Cela fait du bien d’entendre que d’autres ont vécu les mêmes soucis, les mêmes questions et doutent, mais qu’ils ont surmonté ces choses-là. Difficilement oui, mais ils l’ont fait et finalement même s’il y a encore des hauts et des bas il y a surtout du mieux et beaucoup d’amour.
Et vous est-ce que votre couple a été transformé suite à l’annonce du diagnostic ? Êtes-vous plus soudés qu’avant ?
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