Le défi du diagnostic de TSA/TDA : Diffuser les signes inconnus des critères de diagnostic
- Anthony Paris
- 23 mai
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : 27 mai
Notes: Le terme TDA peut faire référence au TDA ou au TDAH

Hello ! Moi c’est Marilou, je suis responsable des adultes TSA à Café Autisme ! Cela fait maintenant presque 3 ans que j’ai eu mon diagnostic de TSA et, depuis quelques mois j’ai aussi reçu celui de TDAH. Au sein de l’association et dans ma vie quotidienne, je milite pour mettre en avant les caractéristiques moins connues du TSA et TDA afin de faciliter les diagnostics. Je veux devenir une encyclopédie vivante !
À 17 ans, je suis en terminale et, même si je sais que je suis différente des autres (malgré tellement d’efforts pour m’adapter étant plus jeunes), j’ai l’impression que tout est en train de s’effondrer dans mon cercle amical. Si, avant j’évitais les inconnus et camarades, maintenant, je me sens mal au milieu de mes amis. Puis, je tombe sur une vidéo qui parle de TSA (à l’époque Asperger, même si je déteste ce terme). Et là je tombe sous le choc.
Ce qui me marque c’est à la fois une certaine ressemblance avec ce que décris la personne, mais surtout la prise de conscience que mes soucis ne sont peut-être pas dus qu’à moi, mais qu’il y a une vraie raison. Et ça, ça change tout !
Directement je commence doucement à me renseigner sur la réalité du TSA, même si je n’ai pas beaucoup de ressources à l’époque. Alors, je fais ce que je sais faire le mieux : je vais voir une psy, la première qu’on me conseille dans ma petite ville. J’y crois, car pour moi, les psychologues, ce sont les spécialistes et, si moi je suis passée à côté du TSA pendant toutes ces années, ce n’est pas que c’est mal connu, mais seulement que c’est un monde scientifique à part et que les personnes lambda n’en font pas partie !
J’arrive vers cette psy, mais je pars vraiment de très loin (malgré des recherches poussées, je reste autiste quand même). Et là, je ne sais pas quoi lui dire de plus que : « J’ai des problèmes avec les gens ». Et là c’est la désillusion… Bien sûr, les critères de diagnostic du TSA sont référencés dans le DSM-V, mais les manifestations concrètes de ces critères y sont absentes et donc se basent uniquement sur des clichés. Et je réalise que même les psys se basent sur ces clichés. Et quand on n’y correspond pas, eh bien, tant pis pour nous.

Ça, ça m’a coûté 4 ans supplémentaires de diagnostic. Je suis partie dans la vie d’adulte persuadée par une psy incompétente (et incapable de se remettre en question comme beaucoup de corps médicaux) que je disais n’importe quoi et j’ai bien galéré. La vie a fait qu’un jour j’ai trouvé des personnes compétentes et j’ai pu accéder à un diagnostic rapide, réalisé par quelqu’un qui s’y connaît et m’a aidée à ressortir certaines manifestations cliniques du TSA/TDA malgré un profil complexe et féminin.
Ça a ouvert une porte chez moi. L’autisme est devenu un de mes intérêts spécifiques et surtout, je me suis passionnée pour les témoignages que j’ai pu entendre de personnes autistes et/ou TDA. Il y a 3 ans, quand j’ai eu le diagnostic, il y avait déjà des choses précises qui étaient ressorties et que j’avais fait correspondre aux critères de diagnostic standards du TSA. Mais si je repassais mon diagnostic aujourd’hui, je peux vous dire que ça prendrait des heures pour lister tout ce que j’ai observé depuis.

Grâce à de la littérature, des témoignages dans l’association, mais surtout les réseaux sociaux (et particulièrement chez les Américains), j’ai découvert des choses passionnantes sur les manifestations concrètes du TSA et du TDA, des choses que même mes professionnels de santé spécialisés ne savaient pas. Attention, je précise que je ne suis pas médecin ou psychologue et que ce que je vais évoquer ici n’a pas toujours (a priori) été confirmé scientifiquement.
Savez-vous que les personnes TSA possèdent une forte occurrence avec beaucoup de maladies ? Le syndrome d’Ehler Danlos, les spondylarthrites, l’endométriose, les maladies auto-immunes et inflammatoires, des problèmes digestifs, etc. Je ne sais pas si cette cause est liée au côté génétique (scientifiquement prouvé) qui lie toutes ces conditions et les TND (Trouble du Neurodéveloppement), ou si c’est autre chose, mais tellement de personnes TSA (en proportion de la population totale) sont touchées par ces conditions sans qu’aucun lien n’ait jamais été formulé et enseigné à beaucoup de professionnels de santé.

Savez-vous que beaucoup de personnes TSA font les T rex arms (bras T rex), que cela soit pour marcher, mais surtout pour dormir (au point de se causer de l’arthrose, oui oui). Beaucoup font aussi les cricket feet (le fait de se frotter les pieds avant de dormir). J’ai personnellement observé cette prévalence chez les autistes, mais je n’ai à ce jour jamais entendu un seul professionnel de santé en parler.
Savez-vous que danser est une forme de stimming (stéréotypie) ?
Savez-vous que les intérêts spécifiques ne sont pas toujours caractérisés par une passion intense sur un sujet ? On peut en avoir pour des personnes, par exemple. Moi j’adore le Japon, la langue, la culture, etc. Mais, par exemple j’ai tendance à n’acheter que des livres écrits par des Japonais.es et c’est aussi une manifestation du TSA. Et même si je suis sur un de mes intérêts, je n’oublie jamais de manger (oui c’est un critère souvent évoqué par les psys), car manger est indispensable à ma routine.
Savez-vous que dire « Tac tac tac », « Touk touk touk » ou encore chanter de manière impulsive sont des formes d’écholalies ?
Savez-vous que les personnes autistes savent souvent reconnaître d’autres personnes TSA sans vraiment savoir comment ? Les gestes, mots, tons de voix, regards, etc., qui passeraient inaperçus, peuvent suffire parfois sans que l’on sache réellement expliquer pourquoi.

Tout ça, je le vois dans la communauté neuroatypique et pourtant c’est peu ou pas reconnu en dehors et jamais un professionnel de santé (même du TSA) ne m’en a parlé. Ça, c’est ce que les autistes ont fait seuls et j’espère un jour que cela sera étudié et connu, car, depuis mon diagnostic, j’ai appris tellement de choses :
Je suis sensible au bruit, non pas à l’intensité, mais à la superposition des bruits, et le fait d’aimer porter des casques audios depuis le début de l’adolescence est une manifestation évidente. Aujourd’hui, un médecin me l’a prouvé scientifiquement alors qu’il est écrit dans mon diagnostic TSA que le bruit me dérange à peine.
Je déteste les pantalons serrés et le fait d’avoir passé ma vie en robe ou en jupe quand les jeans skinny étaient à la mode est une manifestation évidente.
J’ai un TDAH (oui, avec le H) même si j’ai réussi scolairement (jusqu’au M2). Avec des stratégies, des adaptations et un terrain intellectuel favorable, c’est passé. J’étais l’enfant la plus posée du monde, mais ma tête est un brouhaha incessant qui caractérise mon hyperactivité.
J’ai appris que je suis impulsive, mais je ne l’avais jamais su, car les proches se gardent souvent d’émettre des remarques pourtant énormément utilisées dans les entretiens de diagnostic (Exemple : « Vous dit-on souvent que vous êtes [insérer un adjectif] ? »).
J’ai appris que mes maladies inflammatoires, des problèmes digestifs, mon trouble de l’oralité (ARFID en anglais), mon endométriose, mes nombreuses blessures sont des signes qui auraient dû alerter.
J’ai appris que j’ai une dyspraxie : je n’ai que des chaussures sans lacets, je n’ai jamais bien écrit ou coupé droit, j’ai des problèmes d’organisation et j’ai fait un score lamentable au test de QI sur ce point. Pourtant, j’ai un très bon équilibre et ai pratiqué la danse pendant plus de 15 ans alors que j’ai du mal avec la droite et la gauche, j’ai eu le permis de conduire, sur boîte manuelle du premier coup, on m’a toujours dit que je dessinais très bien alors que mes difficultés de visualisation et de perspective m’ont souvent énormément frustrée dans cette activité.

Mon entourage a été un frein à mon diagnostic non pas qu’il ne voulait pas, mais que les causes génétiques de l’autisme et du TDA empêchent souvent les proches de se questionner sur des particularités (eux aussi étant souvent concernés). Avec ses 67 ans, j’ai appris à mon père qu’il est probablement TDA et que le fait de lui avoir fait passer 2 fois les tests pour Alzheimer précoce aurait dû alerter.
TW : Mort/Suicide : J’ai appris que je souffrais de dépression même au sein d’un cadre stable et que la Thanatophobie peut empêcher de vouloir mettre fin à ses jours.
Je ne prétends pas que ces détails devraient être connus de tous. Si le grand public se sort des clichés basiques de l’autisme et du TDA, on sera déjà pas mal. Mais du côté des professionnels, et surtout des spécialistes en psychologie ou psychiatrie, j’aimerais que cela soit étudié afin de pouvoir guider correctement les personnes lors de leurs diagnostics. Je pense que l’enseignement de ces troubles mériterait d’évoluer en intégrant notamment plus de temps de parole aux personnes concernées, mais aussi des études de ce qui est dit sur les réseaux sociaux par les personnes concernées malgré certains risques que cela peut comporter.

Je sais qu’on ne peut pas tout savoir, moi-même j’apprends encore, mais je suis toujours surprise d’apprendre des choses à des professionnels de santé alors qu’elles paraissent évidentes quand on s’intéresse aux TND. À défaut, j’aimerais que les professionnels écoutent ce qu’on peut leur remonter et que, même s’ils ont fait de grandes études, ils puissent se remettre en question.
Pour autant, nous sommes en bonne voie, les critères de diagnostic évoluent et de plus en plus de personnes peuvent y accéder sans avoir eu besoin de réaliser une analyse de ses comportements en profondeur. Avec l’association, nous participons à cette vague et c’est ce que je souhaite, car je ne veux plus qu’aucune personne neuroatypique ne passe à côté d’un diagnostic, et donc d’une aide, à cause d’un professionnel fermé et/ou peu enclin à faire ressortir toutes ces manifestations, comme cela a longtemps été mon cas.
Marilou DELAHAYE


