On m’avait dit que dans une fratrie il y avait des disputes, des réconciliations, des moments forts, de l’amour, beaucoup d’amour, de l’entraide… mais quand même des disputes encore et encore. Il semblerait que cela soit d’actualité et ceci peu importe le sexe des enfants et leurs âges. Sans doute un moyen d’apprendre la vie à plusieurs, mais aussi de prendre sa place au sein d’une famille.
Mais voilà que parfois s’invite parmi nous un paramètre inattendu et qui complique bien souvent les choses : l’autisme !
Mon petit dernier, Corentin qui va avoir 5 ans, commence petit à petit à reconnaître les signes annonciateurs d’une crise chez son grand frère de 11 ans, Paul — autiste.
Paul refuse bien souvent de jouer avec son petit frère, préférant être seul dans sa chambre. Il ne supporte pas qu’on le touche et Corentin est un adorable petit pot de colle qui adore les câlins (et les gargouilles dans le dos maman s’il te plaît).
Vous l’aurez compris, deux caractères bien différents. Dues très certainement à leurs personnalités différentes, leurs différences d’âge et les troubles autistiques de Paul.
Corentin n’a pas de diagnostic de TSA, mais une grosse suspicion de HPI. Bah oui pourquoi faire simple quand on peut cumuler les complications. Je dis ça, mais finalement cela devient de plus en plus simple à gérer puisque c’est notre quotidien. Je ne dis pas que ce n’est pas fatigant, mais on ne se pose plus vraiment de questions en fait.
Corentin, avec cette possibilité d’être HPI, compose aussi avec quelques particularités. Il a beaucoup de mal à gérer ses émotions par exemple. Donc quand son grand frère refuse d’être avec lui, c’est LE drame. Dans notre famille il vaut mieux être patient et avoir de bons bouchons d’oreilles. Ça crie tout le temps ! Je crois que mes enfants n’ont pas d’autres moyens de communication malheureusement. Contents ou pas, les décibels explosent.
Un jour alors que Paul, qui entre dans l’adolescence, demandait à son frère de le laisser seul, Corentin s’est mis à pleurer comme si la terre s’écroulait. Je tente de lui expliquer comme je le peux que du fait de son autisme Paul aime souvent être seul pour jouer tranquillement. En retour j’ai eu droit à un : « bah il avait qu’à être un haut potentiel ! »
Oui chez nous on entend des phrases que vous ne trouverez pas dans toutes les familles. En tout cas ce jour-là j’ai bien ri de cette répartie à laquelle je ne m’attendais pas.
La difficulté est aussi là, composer avec les particularités de chacun, mais ceci est valable même au sein d’une fratrie avec uniquement des enfants neurotypiques ou neuroatypiques. C’est universel, je crois.
Mais devoir expliquer à un petit garçon de 4 ans quelque chose qui ne se voit pas c’est loin d’être évident. Quoiqu’il faudra qu’on m’explique pourquoi j’arrive à lui faire croire que des cloches amènent des chocolats à Pâques, mais par contre l’autisme, ça passe moins bien (c’est sûr c’est moins sympa que d’avoir des chocolats).
Lorsque Paul a été diagnostiqué, Corentin voulait lui aussi être autiste. D’ailleurs, nous avons pensé un moment que c’était le cas. D’où une petite visite chez une neuropsychologue, la même qui avait diagnostiqué Paul, afin de voir ce qu’il en était. La grosse suspicion de HPI vient de là et plus Corentin grandit plus nous voyons qu’il n’a pas de TSA. Il a beaucoup agi par mimétisme. Mais nous n’oublions pas également que certains troubles comme l’hypersensibilité, les intérêts restreints, etc., peuvent se retrouver dans les deux cas.
C’est fou, quand on pense avoir appris plein de choses sur l’autisme et bien on en apprend encore.
Donc voilà, le quotidien de mes enfants consiste à se disputer, me rendre folle, mettre le bazar, se lier pour faire des bêtises et me rendre chèvre. Mais au final moi, j’aime le lien qu’ils créent et je rigole bien souvent de leur façon de faire. Il ne faut surtout pas leur dire, j’ose espérer garder un semblant d’autorité encore quelques années.
C’est comme dans toutes les familles vous me direz, mais je vous répondrai que même si en effet c’est le cas il y a des choses qui se rajoutent. Les crises de Paul qui peuvent surgir d’un coup et de façon violente. Même si l’on apprend à reconnaître petit à petit les déclencheurs. J’essaye d’anticiper le plus possible et de réagir vite pour éviter par exemple à Corentin de subir les insultes, jet d’objets et coups qui pourraient partir.
Comme Corentin est hypersensible, il lui arrive de crier (que dis je, de hurler !) et dans ce cas il faut aussi réagir vite et dégainer le casque antibruit aussi vite que Wonder Woman avec son lasso magique. Et oui en plus d’être autiste Paul ne supporte pas les bruits forts et surtout les bruits soudains.
Paul est dans l’hyper contrôle (cela le rassure). Pas de place à la surprise ou à l’imprévu évidemment. Il aime aussi que tout soit positionné d’une certaine façon et à une place bien précise, surtout dans sa chambre. Alors, imaginez un peu la scène quand ma petite tornade de 5 ans arrive et décide de piquer un jouet (c’est trop tentant au bout d’un moment !) Corentin est tellement spontané ! Impossible de prévoir ses réactions ou ses intentions.
Je vous fais le topo rapidement : Corentin touche le jouet et donc le déplace, Paul se met à crier (cri aigu et très strident) puis il pleure, il demande à son frère de reposer le jouet en question, son frère qui vient d’entendre hurler refuse, et là c’est l’escalade. Cris, insultes, pleurs, objets à travers la pièce… Le souci c’est que rien n’y fait, car Paul a ses rigidités de comportement et il ne comprend pas les intentions de son frère. Et Corentin… bah lui il a juste un sacré caractère (toute sa maman !) Du coup impossible de demander à l’un d’eux de « faire un effort » en prenant sur lui. La seule solution que j’ai trouvée : Arriver, crier plus fort qu’eux (casser la voix !) et les isoler chacun dans leur chambre pour faire redescendre tout le monde. Et ceci un grand nombre de fois dans la journée.
Avouez que c’est sport ! Je me demande si je m’ennuierai sans tout ça… Pas de réponse en vue… cela restera le mystère.
Nous ne faisons plus les courses avec Paul (trop de bruit, de lumière, de monde qui le frôle ou le touche…) La dernière fois, il a failli vomir dans le magasin tellement il était en sursimulation et pourtant on avait le casque antibruit et tout ce qu’il faut. Sinon nous devons le laisser dans le chariot avec son frère. Oui, mais voilà à presque 12 ans, il fait son poids. Prendre 2 chariots n’est pas l’idéal non plus. Bref, ce n’était pas possible. Et Corentin ne laisserait bien entendu sa place pour rien au monde dans le fameux chariot. C’est donc un temps que nous utilisons uniquement pour lui et il y prend goût. Papa et maman rien que pour lui c’est cool ! Paul du coup apprécie sa tranquillité en nous attendant. Je précise qu’il ne reste pas vraiment seul, hein.
Alors oui ils se chamaillent, oui il faut s’adapter et prendre en considération les difficultés de chacun. Mais par exemple, Corentin ne supporte pas d’être sans son frère. Il s’inquiète de savoir si Paul va bien. Comme Paul a été harcelé à l’école, Corentin s’inquiéta très facilement si Paul est dans un endroit nouveau avec de nouvelles personnes. Il lui arrive même d’avoir mal au ventre tellement il s’inquiète. Nous pensions même qu’il avait un problème cardiaque, car il lui arrivait de nous dire : « maman j’ai mal au cœur ! Il va en haut et en bas et j’ai mal au ventre. » Tout ça pour dire que chaque émotion est vécue intensément par notre petit bouchon d’amour. Il suit toujours son grand frère sans se poser des questions, dans toutes les aventures dans lesquelles il l’embarque.
Parfois, je surprends un câlin fait à leur façon à eux, une marque d’affection. Et ça me fait fondre chaque fois.
Paul ne reconnaît pas la peur chez l’autre. Il lui arrive donc fréquemment de faire peur a son frère en rigolant de constater qu’il crée une réaction sans capter laquelle précisément. Mais Corentin n’hésite que très rarement à accompagner son frère qui a peur d’être seul dans une pièce. Il arrive à Corentin d’être très mature pour son âge quand il s’agit de son frère. Malgré son hyper sensibilité. Il ne faut pas oublier qu’il a grandi dans les salles attendant pour son frère. Je n’avais personne pour le garder, les horaires des rendez-vous étaient parfois compliqués et puis surtout il y en a beaucoup. Aujourd’hui, nous sommes mieux organisés et puis Corentin va à l’école.
J’ai énormément culpabilisé de ne pas faire la même chose pour chacun d’eux. De ne pas accorder autant de temps à l’un et l’autre comme je l’aurai voulu. Je me suis mis une pression folle pour tout bien faire et être une maman parfaite pour chacun d’eux. La vérité c’est que je me suis épuisée à faire ça. Rien n’était parfait. C’était n’importe quoi.
Puis le temps passe. Chacun trouve son rythme en fonction de ses besoins. Chacun grandit, mûrit et l’adaptation et la clé de notre épanouissement. C’est notre devise dans cette famille.
Et chez vous comment ça se passe ?