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Autisme : comprendre mes habitudes de l'enfance

Il s'agit d'une traduction libre de l'anglais de l’article de la BBC. Pour lire l'article en anglais cliquez ici.


Version anglaise de l'article écrite par Sue Nelson, et publié le 30 Novembre 2022

Photo ancienne d'une fillette
Sue Nelson enfant, photo de l'article de la BBC

La journaliste Sue Nelson a été diagnostiquée autiste tard dans sa vie – Ce qui lui a permis de voir quelques-unes de ses habitudes et préférences d’enfant sous un jour totalement nouveau

Personne ne savait que j’étais autiste lorsque j’étais enfant, mais, avec le recul, il y avait un certain nombre d’indices sensoriels. Mis à part une tendance à caresser répétitivement des tissus doux ou à faire passer des grains de sable entre mes doigts, je trouvais aussi les tourbillons ou les balancements hypnotiques et apaisants.

Quand j’ai été diagnostiquée autiste bien plus tard dans ma vie – à l’âge de 60 ans – cela m’a donné une nouvelle compréhension de comment et pourquoi je me comportais de cette manière. Cela inclut certains comportements de l’enfance, de la façon donc je caressais les tissus doux, jusqu'à la manière avec laquelle je jouais avec mes jouets et comment j’insistais sur une nourriture spécifique. Mais cela a aussi soulevé des questions, comme, qu’est-ce que ces préférences révèlent-elles sur comment les enfants autistes perçoivent le monde ? Et comment pouvons-nous utiliser cette compréhension pour aider les enfants à réaliser leur potentiel, à nouer des amitiés et à profiter de la vie ?

En tant que journaliste scientifique, je regarde naturellement les recherches scientifiques pour trouver des réponses – et il y a de plus en plus de preuves qui donnent de nouveaux aperçus fascinants sur des comportements qui ont longtemps été considérés selon l’Organisation Mondiale de la Santés, les troubles du spectre autistique ou autisme affecte 1 enfant sur 100. C’est un trouble développemental causé par les différences du cerveau, cela peut affecter comment une personne absorbe, traite et répond aux informations. C’est en général classé comme un spectre allant de léger à sévère. Dans le Manuel diagnostique et statistique des trouble mentaux (DSM 5), publié par le l’Association Américaine de Psychiatrie, ce spectre est divisé en niveaux 1, 2 et 3 dont ceux au niveau 3 d’autisme demande « un soutien très important ». Au sein de ces catégories, il y a une grande diversité de besoins et d’expériences, ainsi que des traits communs.

Prenons le tourbillon et le balancement comme exemple. Ce genre d’actions rythmiques répétitives – une caractéristique commune de l’autisme – sont connues comme un comportement « d’autostimulation », ou « stimulation ». Il peut également s'agir de mouvements tels que battre des mains, secouer les pieds et claquer les doigts. Aujourd'hui encore, je ne peux m'empêcher de caresser des vêtements en cachemire ou en fausse fourrure dans les magasins, et il m'arrive souvent de toucher furtivement le dos du manteau irrésistiblement doux de quelqu'un en public. Il m'arrive aussi de faire du body rock, mais toujours en privé, car je sais que cela met la plupart des observateurs mal à l'aise.

La stimulation peut apparaître inutile ou même dérangeante pour les autres. Ainsi, il y a plusieurs traitements qui ont pour but de le changer ou de le réduire. Mais comme c’est le cas avec de nombreux comportements associés à l’autisme, la personne qui s’y adonne ne s'expérimente pas forcément ce que l’on pourrait croire.

Si certaines formes de stimulation peuvent être nocives et devraient être traitées, comme un enfant qui se cogne la tête contre un mur à plusieurs reprises, d’autres sont utiles. Ce ne sont pas des mouvements incontrôlés, mais plutôt qui servent un but et qui peuvent être un mécanisme d’adaptation apaisant et relaxant. Pour moi, et pour beaucoup d’autres, jeunes et vieux, le bercement réduit l’anxiété.


C’est quelque chose qui est répétitif et apaisant mais même dans le dernier Manuel Diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM5 de l’association des psychiatres américains), la « bible psychiatrique », ce genre de comportements sont classés comme sans but » dit Steven Kapp, psychologue du développement à l’université de Portsmouth qui a été diagnostiqué autiste à 13 ans. « Donc je pense que beaucoup de, chercheurs ont eu du mal à comprendre pourquoi les gens dans ces comportements. »

L’autisme de M. Kapp l’aide à enrichir son travail et, depuis quelques années, d’autres chercheurs tentent de plus en plus de s’inspirer du point de vue des personnes autistes sur leur propre expérience. Ce point de vue peut être très différent des impressions où les jugements des personnes autour d’eux.

Par exemple, des observateurs de l’extérieur pourraient interpréter certains mouvements répétitifs, dont le claquement des mains, comme un signal de détresse. Mais 80% des personnes interrogées dans le cadre d’une enquête menée en 2015 auprès des personnes autistes ont indiqué qu’elles appréciaient la stimulation.

Plusieurs participants à l’étude avaient « stimulé joyeusement lorsqu’ils étaient jeunes », mais avaient caché ou modifié leur comportement plus tard par peur d’être jugés.

M. Kapp a mené une étude auprès d’adultes autistes afin d’approfondir ce comportement. Plusieurs disent qu’ils utilisent la stimulation en réponse à une surcharge sensorielle, notamment dans « des environnements confus, imprévisible ou déroutant » ce qui leur cause de l’anxiété – qui étaient alors calmée par le mouvement. Mais la stimulation était aussi utilisée simplement pour évacuer des émotions fortes, dont la joie et l’excitation.

Cependant, les participants à l’étude avaient tendance à supprimer ses mouvements apaisants et agréables en public. Plusieurs participants à l’étude avaient « stimulé joyeusement lorsqu’ils étaient jeunes », mais avaient caché ou modifié leur comportement plus tard, à l’adolescence, quand ils se sont rendus compte que les personnes pouvaient les juger négativement pour cela.

« Il y a beaucoup d’autistes qui pratiquent la stimulation », dit M. Kapp, « Mais on est moins enclin à le faire en public car souvent [les autres] ne comprennent pas, donc ils le stigmatisent. Quand les gens comprennent, ils sont plus en mesure de l’accepter. C’est ce que l’étude, que j’ai dirigée, révèle. ». Les participants ont indiqué que lorsqu’ils étaient entourés de leurs amis et de leur famille qui les acceptaient, ils stimulaient ouvertement. »


Soupe à la tomate et pudding au chocolat.

Photo ancienne d'une fillette et d'un garçon
Sue Nelson enfant à un évènement familial (Credit: Sue Nelson)

Les comportements dits restrictifs et répétitifs (CRR), qui peuvent inclure la stimulation tout comme certains rituels et habitudes, peuvent aussi affecter la dynamique familiale. Si la tendance, lorsque j’étais enfant, à constamment réorganiser les jouets en fonction de leur taille ou de leur couleur plutôt que de jouer avec eux – ce qui est courant chez les enfants autistes – n’a pas beaucoup affecté la famille, je pense que la phase où je ne mangeais que de la soupe à la tomate et du pudding au chocolat a posé un peu plus de problèmes. Heureusement, mes parents l’ont accepté et n’ont pas transformé la table en champ de bataille.

En fait, de nombreux enfants autistes sont qualifiés de « mangeurs difficiles ». Une vaste étude a révélé que 7 enfants sur 10 avaient des comportements alimentaires atypiques, le plus commun étant des préférences alimentaires limitées. L’étude montre également que les enfants autistes sont très sensibles aux saveurs, aux odeurs et aux textures. C’est un aspect de la perception sensorielle encore une fois et, pour moi, c’est très parlant. Après cette première période de restriction alimentaire durant l’enfance, je suis aujourd’hui addict à une certaine variété de nourriture très épicée contenant du chili et de l’ail. Cependant, il est toujours difficile pour moi de manger un sandwich aux œufs hachés sans y ajouter des chips pour avoir cette texture croustillante, et la simple idée d’un poisson blanc dans une sauce blanche sur une purée de pommes de terre me donne la nausée.

Bien sûr, beaucoup de gens ont des préférences alimentaires ou des aversions, pas seulement les personnes autistes. Mais la manière dont ces expériences sensorielles, ces aspects émotionnels et la régulation émotionnelle interagissent chez les personnes autistes, n’est pas encore tout à fait comprise. Cela inclut l’impact émotionnel de la surcharge sensorielle, qui peut être très puissant.

Uta Frith, professeur émérite du développement cognitif à l'University Collège de Londres, a passé sa carrière à étudier le comportement des enfants autistes. Dans, le passé, « il y avait une théorie selon laquelle les émotions étaient absentes ou perturbées dans l’autisme ce qui, à mon avis, est faux », dit Frith. « Au contraire, les émotions sont très présentes, notamment l’anxiété tout comme la colère et l’agressivité. » Cela peut conduire à des crises de colère, souvent causées par une surcharge sensorielle.

Selon M. Kapp, quand une personne est sur-stimulée par la lumière ou le son, « il peut être utile de se retirer de l’environnement ou de prendre des mesures d’adaptation, comme porter des écouteurs ou des lunettes de soleil ou quelque chose permettant d’atténuer les sensations », cela peut aider. « Parce que beaucoup de personnes autistes sont hypersensibles et vont percevoir cela de manière plus douloureuse ou plus aiguës que d’autres.



Amitiés et liens

La recherche – et surtout l’écoute des personnes autistes – a également contribué à renverser un certain nombre d’idées fausses, comme l’idée reçue selon laquelle les personnes autistes ne sont pas intéressées par les interactions sociales. Comme le souligne une étude, l’hypothèse selon laquelle les personnes autistes sont solitaires par nature est « catégoriquement contredite par le témoignage de nombreuses personnes autistes elles-mêmes », dont je fais partie. Pour moi, le désir de solitude ne vient qu’après la socialisation. Il s’agit d’une recharge mentale des batteries pour équilibrer la surcharge de stimulation.

Certains comportements, comme un faible contact visuel, peuvent être perçus comme indiquant un manque d’intérêt social, mais peuvent en fait être une stratégie d’adaptation sensorielle, suggère l’étude. Même les chercheurs peuvent tomber dans le piège de trop se fier au contact visuel pour mesurer l’engagement social des bébés et des enfants, affirment certains.

Quand les enfants autistes sont interrogés sur leurs expériences, ils ont tendance à signaler les de mettre en oeuvres à comprendre et à établir des relations avec d’autres enfants, mais aussi à dire qu’ils essaient d’initier de telles amitiés et qu’ils se sentent seuls s’il n’y a pas d’interaction. Selon les auteurs d’une étude « cela suggère que les enfants présentant ces caractéristiques pourraient bénéficier d’un suivi attentif et d’interventions axées sur l’amélioration des relations avec leurs pairs ». En résumé, les enfants autistes apprécient les amitiés et en tirent profit, mais ils peuvent avoir besoin d’aide pour les nouer.

La recherche suggère que cela peut être plus facile quand il existe un moyen de rencontrer les enfants selon leurs propres termes – par exemple, en soutenant un autre trait typique : les intérêts spéciaux.


Des fleurs sauvages, des boutons, des badges et de l’espace

Les scientifiques commencent à comprendre comment et pourquoi les personnes autistes développent toutes des intérêts spécifiques, et les bénéfices que ça leur donne. Une étude a trouvé qu’ils développent en moyenne 9 intérêts spécifiques, à partir de 5 ans. Ces intérêts peuvent comprendre certains objets, la musique, les ordinateurs, la nature et le jardinage.


Enfant, mes centres d’intérêts étaient les mathématiques, les fleurs sauvages, la science, les boutons, les badges, l’espace et les super-héros. Peu de choses ont changé et, pour d’autres personnes comme moi, poursuivre ses propres intérêts spécifiques a généralement un effet positif sur le bien-être et les contacts sociaux. Il a été constaté que les enfants et jeunes autistes qui s’engagent dans leurs passions, en retirent un large éventail d’avantages, tels que le renforcement émotionnel et les aptitudes à communiquer.


Il y aura toujours des activités que les enfants autistes auront tendance à détester instinctivement, même quelque chose d’aussi routinier qu’une coupe de cheveux. Enfant, je n’ai jamais aimé qu’on me lave les cheveux et aller chez le coiffeur était toujours une expérience inconfortable. Même si je m’assure toujours qu’il n’y aura pas de massage surprise durant le shampoing, je suis anxieuse au cas où ils oublieraient. Pour certains, la peur ou le dégoût sont induits par le bruit du ciseaux ou par la sensation des cheveux coupés ou mouillés sur la peau. Il est important de comprendre que ces simples sensations, que plusieurs personnes apprécient, peuvent être la cause d’angoisses pour d’autres.


Ancienne photo de famille
Sue Nelson enfant avec son père, sa grand-mère et un de ses frères (Credit: Sue Nelson)

Ce qui est d’autant plus difficile pour les parents est quand leur enfant ne veut pas s’engager dans toutes formes de contact physique affectueux ou un câlin, en raison de différences dans le traitement sensoriel et la communication sociale. Les parents qui essaient de jouer à un simple jeu de donnant-donnant peuvent se rendre compte que les enfants autistes n,e sont pas intéressés, et les parents peuvent trouver cela difficile. “C’est ce tour de rôle, cette réciprocité, une sorte d'imitation [que les enfants autistes peuvent avoir du mal à comprendre]” dit Frith. “La compréhension facile de ce que fait une autre personne”.


L’appréciation individuelle du contact social et physique peut varier considérablement. Les recherches menées sur les effets des fermetures de COVID-19 sur les enfants autistes, par exemple, ont montré que certains enfants s’épanouissaient tandis que les comportement d’autres enfants s’aggravait. L’environnement social au sens large peut également jouer un rôle crucial.




"Lorsque le système scolaire n’est pas du tout adapté à l’autisme, il ne suffit pas d’offrir quelques jouets de bricolage" - Jess, dont le fils est autiste.



Jess* vit à Hartlepool, dans le nord de l’Angleterre. Son fils aîné a été diagnostiqué autiste à l’âge de 6 ans, en 2015. Depuis, il a été renvoyé de plusieurs écoles après que la surcharge sensorielle ait provoqué des crises de colère et un comportement agressif.


“Lorsque le système scolaire est complètement défaillant pour lutter contre l’autisme, quelques jouets ne suffiront pas” explique Jess. “Ce qui a marché, c’est quand il a été transféré dans une école avec plus d’espace et une salle sensorielle où les enfants pouvaient se défouler.


Grâce à l’espace et à la compréhension accrus, le comportement de son fils s’est amélioré. L'atmosphère était complètement différente et cela a fait la différence. Certains enseignants croyaient en lui et pouvaient communiquer avec lui. Il pouvait travailler en dehors de la classe s'il le souhaitait, car ils étaient beaucoup plus flexibles", explique Jess. "Il était encore exclu de temps en temps, mais nous n'avions plus les mêmes problèmes de comportement.”


Au début, le fils de Jess a eu du mal à supporter les fermetures. Finalement, Jess a cessé d'essayer de le persuader de faire ses devoirs : "Il faisait souvent de longues promenades à vélo et était donc beaucoup plus heureux".


Jane*, qui vit avec son mari à Aberdeen, en Écosse, a insisté tout au long de la pandémie pour que leur fils adolescent, autiste, continue d'aller à l'école. Il a des problèmes de transition et ne pas quitter la maison aurait été le scénario idéal pour lui, explique-t-elle. "Chaque jour, j'essaie de l'amadouer et de le rassurer en lui disant que tout ira bien. Cela ne marche pas aussi bien qu'avant, mais l'école n'est pas négociable.”


Frith a observé que les attitudes sociales à l'égard de l'autisme ont évolué au cours des dernières années, mais pas toujours dans le bon sens.


"Les gens ont connu un changement culturel dans leur compréhension de la neurodiversité et l'autisme est devenu un sujet de prédilection dans les fictions et les films", explique-t-elle. "Mais ces films se concentrent sur très peu de caractéristiques, en particulier sur les caractéristiques positives. Le type d'autisme le plus souvent présenté dans les médias populaires serait qualifié de léger, ajoute-t-elle. En outre, les personnages autistes à l'écran sont souvent présentés comme étant intellectuellement doués. Le danger, selon elle, est que cela ne tienne pas compte de ceux qui ont besoin d'un soutien plus important.


"Une chose que nous ne pouvons pas complètement ignorer, mais qui tend à l'être dans certaines formes d'autisme, c'est qu'il peut y avoir une déficience intellectuelle", déclare Frith. Reconnaître cette déficience peut être un élément important pour accepter l'enfant tel qu'il est.


Pour chaque famille, s'informer sur l'autisme signifie en fin de compte s'informer sur l'expérience unique de l'autisme de leur enfant.


"On comprend mieux la neurodiversité, les profils complexes et les différences que les gens peuvent avoir, plutôt que de considérer les enfants autistes comme des objets de pitié ou de peur", déclare Mme Kapp "Mais il reste encore beaucoup à faire.”


* Les noms des parents cités dans cet article ont été modifiés pour protéger l'identité de leurs enfants.





Traduit de l'anglais par Manon Chassery,

Ambassadrice communication de Café Autisme


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