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Un défi de taille pour les personnes extraordinaires !

Trouver un équilibre entre vie familiale et vie professionnelle


Comment concilier vie professionnelle et vie familiale ? C’est la question que beaucoup de parents soucieux d’être disponibles pour leurs enfants se posent. Cette question a inspiré de nombreux articles dans la presse française, européenne et même internationale ainsi que dans la recherche sociale et sociologique. Sur internet, on trouve de tout, il suffit de dire les mots magiques : « Hey Google ». On se perd un peu, mais en tant que mathématicienne, je dois vous inviter à regarder les statistiques du Dares, Déchiffreur du monde du travail pour éclairer le débat public : Stat du Dares.


Handicap ou pas, la plupart des parents veulent connaître la façon de trouver un équilibre harmonieux entre le boulot et la famille. Ne vous attendez pas à des conseils dans cet article. Je voudrais juste vous partager mon vécu. Maintenir une activité professionnelle à temps partiel ou pas, que ce soit pour des raisons financières ou autres est l’un, entre autres, des défis auxquels le parent-aidant doit faire face. Saviez-vous qu’en 2020 nous étions 11 millions d’aidants en France dont 66 % étaient des femmes et dont 50 % ne bénéficiaient d’aucune aide financière, selon IPSOS. Situation des aidants


Bébé dans un siège voiture

« Dormir comme un bébé »



Ce n’est pas un secret que les jeunes parents contribuent à la forte croissance économique des entreprises qui offrent le rêve de faire dormir un nouveau-né. Comme beaucoup de nouveaux parents, j’ai été séduite par la publicité de leurs produits. Les marketeurs ont bien compris le besoin de ces parents. Moi, j’ai tout essayé dans le marché : écharpes, porte-bébé, cocoonbaby, plan incliné, fauteuil à bascule, veilleuses, berceuses, boîte de sons apaisants, musique, etc. J’ai acheté des livres sur le sujet pour trouver des solutions. J’ai même consulté des ostéopathes. À cette époque-là, j’avais un travail et un mari avec des revenus stables alors j’avais la possibilité de dépenser sans me ruiner.



Avec un nouveau-né, la période où l’on dort que quelques heures par jour est la plus difficile. Trouver un sommeil réparateur a été mission impossible pour moi avec les réveils nocturnes chaque heure voire une demi-heure. Pendant mon congé maternité, j’essayais de faire la sieste avec mon bébé, mais une fois que j’ai repris le travail je dormais très peu et je n’avais pas de temps de repos. Le stress et la charge mentale se sont ajoutés à ma fatigue. Pour certains parents, cette période de sommeil insuffisant n’est que temporaire, mais pour moi ce n’était que le début.


Tout au long de la première année de mon aîné, j’ai cru que c’était le reflux gastro-œsophagien (RGO) qui l’empêchait de dormir. Avec le recul, je sais qu’il y avait aussi les hypersensibilités liées au trouble du spectre autistique (TSA). Je me rappelle encore ses yeux grands ouverts lorsque le « clic » de mon soutien-gorge d’allaitement le réveillait instantanément après des heures passées à l’endormir. Je savais qu’il y avait quelque chose d’autre derrière tout cela. J’ai évidemment partagé mes inquiétudes avec la pédiatre, mais elle n’a rien vu.



Mon rapport au travail


Bureau avec des papier dessus


Je suis maman de deux enfants atypiques, je suis considérée comme » maman aidante ». Même si ce terme précise ma situation actuelle, je me considère juste comme une maman. J’ai un diplôme de docteur en mathématiques et je suis actuellement en recherche d’emploi. Je ne perds pas espoir de trouver un jour un travail stable dans lequel je puisse m’épanouir et où je pourrais trouver des horaires souples afin de bien m’occuper de mes enfants et de leurs suivis. Depuis mon jeune âge, j’ai toujours travaillé. J’ai fait un peu de tout. Selon moi, j’ai un parcours classique, mais avec le temps je me rends compte que j’appartiens plutôt à la case « parcours professionnelle atypique ». Alors il me faut un travail atypique avec un employeur atypique aussi.

Depuis petite, on m’a inculqué l’importance d’être une femme indépendante financièrement, alors avoir un travail (stable ou pas) a toujours été important pour moi. Grâce à mon bagage de diplômes, j’étais toujours confiante dans mes recherches de travail. Malgré la peur de ne pas réussir, je prenais des risques. Peut-être que c’était ma naïveté ou mon insouciance lorsqu’on n’est pas encore parent, mais je n’ai jamais suivi le cursus professionnel classique : avoir un poste stable, y rester toute sa vie et cotiser pour sa vieillesse. Je n’ai jamais soupçonné que je serais dans cette situation d’instabilité financière, mais je ne regrette pas mes décisions.


Je dois avouer que maintenant l’aspect économique est très important pour moi dans ma recherche de travail, mais il y a aussi d’autres choses que je considère comme importantes. Récemment, dans une réunion collective à l’agence de Pôle Emploi, quelqu’un a parlé de l’importance de réaliser un travail qui ait du sens et qui soit en harmonie avec ses valeurs. Cela m’a beaucoup fait réfléchir et m’a encouragée à ajouter cette dimension dans ma liste de prérequis pour ma recherche. Pour le moment, mon chemin n’a pas encore croisé un employeur qui remplisse toutes ces conditions.



Des années de persévérance


Après mon congé maternité, j’ai repris mon travail. Hors de question que je prenne un congé parental, je me sentais capable de faire les deux comme beaucoup de mamans le font. J’ai eu la chance d’avoir cette aide si précieuse : les grands-parents. En effet, pendant les premiers mois de mon fils, mes parents m’ont beaucoup aidée en attendant une place en crèche. C’était grâce à la patience de ma mère que mon fils a mangé sa première compote. Elle pouvait tourner littéralement en rond avec lui pendant des heures, ou passer toute la matinée à regarder par la fenêtre le passage des voitures.


Bébé nourri à la cuillere

C’est à 9 mois que mon fils aîné a eu une place à la crèche, mais l’aide de mes parents était toujours pour moi nécessaire. Entre les besoins intenses de mon fils, les responsabilités au travail et les corvées ménagères, je devais encore me reposer sur eux. Au fil des années, la fatigue s’accumulait et j’étais toujours débordée. Je courais de droite à gauche, je dormais au plus trois heures (en cododo), la maison était un bazar sauf quand papi et mamie passaient nous rendre visite.


Petit à petit, j’ai diminué mon temps de travail jusqu’au moment où je ne pouvais plus gérer, surtout lorsque le flux logistique ​était perturbé par les imprévus tels que bébé malade, grèves de transport, réunions interminables et chronophages au travail, etc. En fait, la fatigue accumulée, la surcharge de travail, la charge mentale, le stress ont contribué à ce que j’arrête de travailler, mais ce n’était pas vraiment la cause. Ce n’était pas non plus, toutes les difficultés auxquelles j’ai dû faire face avec mon fils. Ce qui m’a réellement poussée à mettre en pause mes activités professionnelles a été la perte de confiance en moi.



L’errance du diagnostic


Au début, j’ai consulté plusieurs pédiatres à cause du RGO et de la qualité de sommeil de mon fils et ensuite pour les spasmes de sanglots. Mon bébé ne pleurait pas, il hurlait très fort et soudainement il arrêtait de respirer et devenait tout raide. Au moment du silence, je le mettais sur le côté, je soufflais délicatement sur son visage pour qu’il revienne. Personne ne m’a donné aucune technique pour les crises. Aucune alerte ou préoccupation de la part des médecins, j’ai encore consulté des ostéopathes. Je ne me suis jamais sentie écoutée. Des recommandations, j’ai en eu beaucoup comme celles de laisser pleurer mon fils jusqu’à l’endormissement ou bien ne pas lui donner trop d’attention pendant la crise du spasme.


Mon fils ne répondait pas à son prénom. Il donnait l’impression de ne pas » voir » les autres, le retard de langage était évident. Il avait aussi les terreurs nocturnes et l’anxiété pendant la période de la maternelle. Comme pour les spasmes, des explications j’en ai eu des tonnes, mais jamais le mot autisme n’a été prononcé. Je suis migrante alors que la plupart des spécialistes que j’ai consultés se focalisaient tellement sur mes origines que j’ai fini par y croire. Finalement, j’ai consulté des psychologues. J’ai aussi lu beaucoup de livres de psychanalyse, de bilinguisme et d’interculturalisme. J’ai eu droit à ma dose de culpabilité avec les livres de Françoise Dolto et même si j’ai appris beaucoup avec les livres de Isabelle Filliozat et Marie-Rose Moro. J’étais complètement perdue dans ma recherche. Je cherchais des réponses aux difficultés de mon petit. J’ai fini par trouver des explications, mais cette période de questionnement use en général les parents.


Le coût de toutes ces consultations infructueuses n’est pas négligeable : ça va au-delà de l’aspect financier. Je perdais graduellement confiance en moi en tant que maman. Pour moi, cela a été la période la plus difficile. Le sentiment de ne pas être capable de bien m’occuper de mon fils a pris place et s’est répandu. J’ai fini par perdre confiance en mes compétences et mes capacités. Je ne pouvais plus travailler et même faire des tâches simples. J’avais investi beaucoup de temps et d’énergie, à consulter, à lire pour comprendre et finalement j’étais incapable de trouver des solutions. Une méfiance vis-à-vis des médecins et des psychologues s’est aussi installée. Je sais maintenant que beaucoup de ces spécialistes manquent de formation et de bienveillance et que leur accompagnement n’était pas adéquat. J’aimerais croire que j’ai eu la malchance de tomber sur eux, mais je pense que leur façon de pratiquer est très typique.



Les autres défis d’une maman aidante


La période de questionnements et d’errance de diagnostic a été aussi marquée par mon combat à l’école. En effet, c’est comme cela que je l’ai vécu : une bataille où mon fils a été le plus affecté, car il souffrait. La méconnaissance sur l’autisme de l’équipe pédagogique et leur incapacité à accueillir les enfants atypiques ainsi que la résistance de ce système scolaire public si rigide n’ont pas rendu la tâche facile. Mon fils aîné et moi avons été traumatisés par leur façon d’agir. Le plus petit a eu la chance d’être dans une école alternative. Sur l’école, j’aurais tellement à dire, mais je préfère ne pas l’aborder dans cet article.


Le diagnostic de mon fils a été un moment clé pour retrouver la confiance perdue. Cela a été le début d’une aventure qui continue à se dessiner avec ses hauts et ses bas. Bien m’entourer avec des personnes bienveillantes, sensibles à la différence, tolérantes et patientes envers les atypiques est indispensable dans le quotidien de ma petite famille. Cela me donne de la force pour répondre aux attentes et défis de mon travail d’aidante. Je suis fière de ce que je co-construis avec mes deux garçons.

Non seulement je m’occupe d’eux lorsqu’ils ne sont pas en mesure d’aller à l’école ou à la cantine, mais je les accompagne aussi aux rendez-vous pour les soins. Il y a toute une logistique et organisation à mettre en place, surtout quand on a deux enfants atypiques. Je consacre aussi du temps à rencontrer les professionnels qui suivent mes enfants, à rencontrer l’équipe éducative de l’école et à les aider à communiquer entre eux. Je continue à rechercher des réponses aux problèmes spécifiques de mes garçons. Pour cela, il faut s’informer constamment et consulter des professionnels qui puissent mettre en place des projets en prenant en compte leurs besoins ainsi que les évolutions.


Pour construire un parcours de suivi et un parcours scolaire adaptés aux enfants, on a besoin de passer par les aides financières et par des aménagements. Alors, apprendre un nouveau langage est indispensable pour le travail de maman aidante : celui de l’administration. Dans le lexique, on commence par apprendre que CRA est le Centre de Ressources autistiques, ensuite on a : Geva sco, MDPH, AEEH, PPS, PAI, AESH, ESS, PAP, DASEN, PIAL, etc. Ce sont juste quelques sigles qu’il faut savoir. Rédiger un « projet de vie » pour la MDPH pour pouvoir financer les suivis devient essentiel. Faire des dossiers en permanence, être patiente à attendre que la CAF et la MDPH décrochent le téléphone et rester calme avec le manque d’AESH sont encore des compétences qui me restent à travailler.



Manque des structures, des spécialistes et des accompagnements adaptés pour les TSA


Les moments de répit sont rares pour les parents-aidants. Le manque de structures pouvant accueillir des enfants porteurs de handicaps est déplorable en général. Par exemple, dans le cas de l’autisme, il y a des listes d’attentes de deux ans pour avoir accès à des professionnels formés. Ceci sans parler du manque d’options pour la garde ou pour les activités extrascolaires. Nous, les parents-aidants, sommes obligés de nous improviser en animateurs : soit par manque d’offres qui sont dans leurs centres d’intérêt ou bien, car elles ne sont pas bien adaptées pour eux ou bien trop chères.


Pas de doute, pour être parent-aidant, il faut faire preuve de persévérance, de patience et d’audace. Nous sommes courageux, polyvalents et déterminés lorsque notre confiance comme parents n’est pas brisée.


Après réflexion, j’ai un conseil à vous donner : n’arrêtez pas de demander de l’aide à vos proches, aux professionnels et aux associations. Je sais que c’est difficile de rester motivé et d’avoir une écoute adaptée, mais l’accompagnement est nécessaire pour pouvoir réadapter une vie professionnelle à la vie de parent aidant.



Bébé porté sur le dos






Selene, Directrice du Pôle Parents à Café Autisme


































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